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Les 400 coups (de pédales, et bien plus... 18 et 19 mai 2019)


En terrain connu

Avant-dernière étape de la (longue) route qui nous mène à Brest : le BRM400. On a opté pour Flins, en terrain connu. Je dis "on" pour les cyclos "normaux" (entendez Valérie, Steph, Kaptain et votre serviteur) qui ne font qu'un seul brevet par distance, car il y en a qui "dupliquent"... suivez mon regard (voir par ailleurs le récit de Patrick sur son BRM400 d'Andrésy). Pas un pet' de vent et 15 degrés au départ… même si la flotte est annoncée, ça nous change des deux premiers brevets (200 et 300 km), homériquement venteux ! Nous voilà donc partis à un horaire inhabituel – 15 heures - histoire d'assurer une nuit complète sur le vélo. Enfin, pour les cyclos normaux toujours… car dès le premier tournant, Patrick est hors de vue. C'était prévu, il est en route pour un "30" glorieux.
Echaudé par un genou douloureux en fin du BRM300, cette fois je me suis imposé la discipline nécessaire : "K-taping" sur le genou fragile, jambières que je ne quitterai pas, et surtout ne pas forcer sur les 40 premiers kilomètres qui ne sont rien d'autre que les montagnes russes que l'on connait bien : raidard d'Epône suivi du long faux-plat vers Jumeauville, coup de cul de St-Léonard, descente sur Septeuil, remontée sur Dammartin, re-descente sur Ivry-la-bataille et enfin remontée sur La Couture-Boussey. Tout cela avalé le plus souvent dans la roue de Jean-Louis, qui adapte sa cadence à mon rythme prudent. Le tandem gresseyais est un peu derrière, dans l'attente d'un terrain moins propice à l'inertie négative (je compatis). Ils auront vite fait de nous rattraper sur la longue ligne droite peu après St André de l'Eure. On se relaye, ça roule bon train, mais sans forcer. On rattrape même un groupe devant nous. Mais… mais c'est… mais oui… Patrick !? Mais que fait-il là ? L'idée qu'il fut dans un jour moins bien m'aura bien effleuré l'esprit, mais rapidement mon neurone cyclo-moteur me souffle à l'oreille que cette option n'est pas au catalogue. Non, il n'a juste trouvé personne à sa mesure pour faire ce 400 à un rythme de compet'. Donc finalement il roulera avec nous. On balise un peu de devenir ses sparring-partners….

Frigo et garde-robe sur le vélo

La pluie s'invite à une trentaine de bornes de L'Aigle, dans l'Orne. Un petit crachin qui s'intensifie imperceptiblement au fil des kilomètres. On finit par bâcher. Les groupes éclatent au fur et à mesure que la pluie devient une vraie drache. On rejoindra L'Aigle en compagnie d'un cyclo de Flins qui tape la discute avec Steph à propos du PBP… no comment ! Premier arrêt (km 106) pour un coca, un thé, une banane, des Tuc, des fruits secs, des babybel, des sandwiches, des compotes…
Non, nous ne sommes pas dans un resto, c'est juste le contenu d'une sacoche du tandem !! L'autre, c'est la garde-robe (Steph et Valérie changeront plusieurs fois de tenue sur ce 400). Et devant, tu as la panoplie électronique du parfait cyclo-Mc Gyver (batteries, lampes dynamo, GPS et j'en passe). Tu m'étonnes qu'ils peinent un peu dans les côtes !!

Chouette on va voir la mer !

On repart pour le deuxième tronçon, direction Houlgate. La nuit tombe doucement. La pluie, plus fort. Ça roule bien, régulier. Arrivée à Houlgate (km 205) peu avant 23 heures : 29 de moyenne… est-ce bien raisonnable (me dit mon genou) ? On tente de forcer le passage dans une crêperie, mais c'est trop tard, ils ne servent plus. Ce sera donc le café des cyclos (ainsi rebaptisé vu l'affluence du jour), mais rien à manger là non plus. On tape donc dans nos réserves perso en espérant tenir toute la nuit. Valérie enfile sa robe de soirée – comprenez les épaisseurs nécessaires pour traverser les fraicheurs nocturnes.

Chabadabada…

On repart, direction Honfleur, par la côte (qui ici est plate… tu vois Daniel que c'est possible !). Il pleut toujours. Kaptain aura une petite crevaison, la seule du jour (à vrai dire je ne sais plus trop où – enfin, si, sur le pneu bien sûr !). Affalée sur le banc humide de l'abribus qui nous sert de parapluie, Valérie prend conscience que d'habitude, à minuit quinze, elle dort. Pas bon pour le moral ça…
Après une bonne quinzaine de minutes d'arrêt on s'apprête enfin à repartir (faut dire que remettre une chambre sur une jante tubeless ça relève de l'histoire belge, surtout à cette heure-là). Il semble qu'il ne pleuve (presque) plus, mais les gore-tex restent de mise pour éviter le coup de froid. Direction Deauville.
La plage… les Mustangs (comprenez : nous) … chabadabada… Deauville nous illumine de ses mille feux dont les rayons viennent s'éclater sur nos verres de lunettes détrempés. C'est joli, mais on n'y voit plus grand-chose. D'ailleurs, un peu plus loin, dans le petit raidard qui sert d'exutoire à Honfleur, je frôle la gamelle, ma roue avant butant sur la rainure longitudinale séparant la route du caniveau !
La pluie s'arrête enfin à l'approche de Conteville (km 249), où nous attend une question secrète … parce que vas-y toi à 2 heures du mat' pour trouver un commerce ouvert qui tamponnera ton carton de route dans ce bled à côté duquel Orgerus apparait comme une mégapole. Donc pour prouver que t'es bien passé par là, faut répondre à une question, façon jeu télé.
Allez, plus que 150 km. Pont-Audemer, puis on quitte la vallée de la Risle pour rejoindre celle de la Seine à Elbeuf, direction Le Manoir. C'est agréable de rouler de nuit. Personne pour vous embêter, ou si peu. Ma loupiote, rescapée des qualifs du PBP2011, a elle aussi semble-t-il laissé un peu de son âme à Loudéac… à part mon pneu avant, elle n'éclaire plus grand-chose. Pourtant, à l'époque, c'était vendu comme un modèle de compet'. Mais les Mac Gyver dynamotés éclairent suffisamment la route de leurs phares surpuissants pour que l'on sache où poser ses roues. Au fait, je ne vous ai pas reparlé de Patrick. Il s'est mis à notre rythme, avec un supplément d'âme (celui manquant à ma lampe sans doute). Il mouline comme un gyrophare, trace la route, et nous, on suit. Pas en sur-régime, certes, mais pas Club Med non plus. Juste bien pour ne pas s'éterniser inutilement sur ce BRM et se dire qu'on aura fait une belle moyenne. C'est important pour la tête quand les jambes commencent à penser toutes seules.
Le Manoir, km 318. 4h52. Deuxième question subsidiaire : reconnaître l'église sur trois propositions de photo. On se croirait au rallye des clochers, tout le monde gagne, mazette ! Reste 90 km. La tête a commencé son compte à rebours. Les jambes vont suivre. Allez courage, on y va.

Crampes… onne-toi Valérie !

Le soleil se lève peu après 6h00. On passe aux Andelys sans même les regarder. Peu après, Valérie découvre les joies du mal de jambes. Parait qu'elle n'a jamais eu des crampes, notre cyclote. Bienvenue au club ma chère, tu parles à un connaisseur ! Pause forcée. Elle s'allonge, fait des étirements. Patrick lui masse les cuisses (Steph acquiesce). Moment difficile.
Allez, on repart, pas trop vite. Vernon est en vue : on prendrait bien un petit café… oui mais l'envie d'en finir l'emporte sur le kilomètre supplémentaire qu'il aurait fallu faire pour regagner le centre-ville à la recherche d'une cafetière insomniaque. C'est pas grave, ce sera pour Giverny. Tu parles, à part les fleurs de Claude Monet et le moulin-money des Balkany, y'a pas grand-chose à Giverny. Tant pis, ce sera pour La Roche Guyon. Oui mais avant le café, il y a le dessert : cette petite côte à 10-11%, presque banale sur nos amicales, devient un mur après 360 km. En un claquement de doigt Kaptain est en haut. Moi, pas trop à l'aise sur ce profil, je monte à mon rythme, c'est-à-dire lent. Dans mon rétro, je vois que Valérie met pied à terre et entame la montée à pied sur le bas-côté. Steph hisse tant bien que mal le tandem orphelin dans les premiers mètres de l'ascension. Patrick, qui n'a pas remarqué que ça montait, joue les coach-réconfort. Valérie finira par remonter sur la bécane. Le moral vacille, mais l'honneur est sauf. On plonge sur la Roche à la recherche de ce petit café tant désiré… mais à 7h15 un dimanche, dans cette bourgade pourtant touristique, tout est fermé. On continue, le café attendra. Les kilomètres paraissent des miles. Normal, de ce côté de la Seine on est plus proche de l'Angleterre. Au carrefour de Vétheuil, mes yeux se figent sur le café du coin où je me suis déjà arrêté pour prendre une boisson fraiche les jours de canicule. Zut, fermé lui aussi. Mais juste en face, dans le goulot de cette petite ruelle qui s'enfonce sur la droite, une boulangerie, jusque-là inconnue, projette l'odeur irrésistible de ses viennoiseries toutes fraiches. Et en plus ils font des cafés ! De quoi recharger les batteries pour engloutir les 30 km restants.
Valérie a les jambes qui touchent douloureusement par terre, mais la tête semble ailleurs. C'est dans ces moments-là que le terme "esprit d'équipe" prend tout son sens. Allez, on repart. Pour la dernière fois. La côte de Saint Martin-la-Garenne s'érige en avant-dernier supplice pour le tandem. On plonge ensuite dans la cuvette de Dennemont pour remonter de l'autre côté, presque sur l'élan. Un petit coup de poussette au tandem et ça y est : cette fois c'est plat jusqu'au bout. L'odeur de l'écurie a remplacé celle des viennoiseries.
Après 14h49 de roulage, 3h d'arrêts cumulés (crevaison comprise), on pose les vélos à Flins et on fait tamponner la dernière case des cartons de route. A part le petit coup de mou de notre Valérie nationale sur la fin, ce brevet s'est super-bien passé. Et dans la roue de notre mobylette de poche, on a été d'une régularité métronomique aux contrôles : 18h50, 22h52, 1h52, 4h52 et 8h55. Vous avez dit horlogerie suisse ? Non, bazainvilloise….



••• Vincent