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Le virevoltant Monsieur Schweitzer - Octobre 2020


La veille, nous avions eu notre première réunion virtuelle depuis des mois, par visio interposée. Le "tronc" de la réunion avait été soigneusement peaufiné par le Bureau afin de s'accommoder des impératifs des visioconférences. Thierry nous avait fait suivre les identifiants de connexion et autre tutoriels pour l'utilisation aisée du système Jitsi. Dès 20h30 ce vendredi, tout était donc prêt pour se servir un Jitsi-tronc en guise de digestif.

Durant cette réunion, notre magicien d'OZ – comprenez Monsieur sécurité – martela une fois encore les principes de base du "rouler ensemble". Il nous rappela ainsi combien il était important que les informations remontent "dans les deux sens". Non, ce n'est pas un concept d'outre-Quiévrain, il était simplement dit ici que les informations venant de l'avant devaient remonter vers l'arrière, et vice-versa. Nous étions donc prévenus !

Bordure : pour un cycliste, il s'agit de la géométrie en éventail adoptée par un groupe de cyclistes afin de se protéger au mieux d'un vent latéral ou ¾ face. Demandez à Pinot ce qu'il en pense, quand t'es pas dedans… t'es mort. Mais pour le commun des mortels, la bordure est "un élément vertical ou incliné bordant la chaussée ou l'accotement, renforçant ou protégeant le bord de la chaussée ou de la surface roulable et indiquant de façon précise aux conducteurs la limite de la zone accessible aux véhicules". Dixit Wikipedia !! Et cette bordure-là, contrairement à la version cyclo, vaut mieux pas être "dedans"….

Depuis que nos ENArques de gouvernants ont décidé que les départementales gagneraient en ronds-points ce qu'elles perdraient en vitesse maximale autorisée, notre quota national de bordures dispute au COVID19 la première place épidémique. Et comme si cela ne suffisait pas, nos routes ont vu fleurir des doubles bordures au gré des subventions pour l'aménagement des pistes cyclables. Nous y voilà donc….

En ce samedi 10 octobre 2020, après le laïus présidentiel sur la place à l'intention du cluster G1, nous voilà donc partis pour le circuit 25N, la tête pleine de recommandations de sécurité, distillées la veille et répétées à l'instant. Le G1a s'envole d'abord, suivi par notre G1b, fort de 7 cyclos. Comme d'habitude, mon GPS m'indique "faites demi-tour" dès les premiers mètres. Il retrouvera la trace prévue dans Tacoignières. En traversant Richebourg, je discutais avec Stéphane Schweitzer, en queue de groupe. Au kilomètre 6 ou 7, au sortir du rond-point qui rallie le nouveau contournement, se trouve à la corde cette petite "bordure" censée protéger la piste cyclable de toute agression de véhicule motorisé.



Devant nous, certains restent sur la route et passent donc à gauche de la bordure, tandis que l'un ou l'autre passe à sa droite pour emprunter la piste cyclable. L'information quant à la présence de cette bordure au milieu de la route ne "remonte pas vers l'arrière". Au dernier moment, je la vois surgir devant moi, mais l'évite sans mal par la gauche en gardant simplement ma ligne. Me rendant compte que Stéphane, alors à ma droite, ne l'avait pas vue, je lui fais un signe de la main, accompagné d'un "attention", dans un réflexe in extremis. Trop tard. Il va se la prendre. Il se la prend. Enfin, pas tout à fait, car dans un coup de rein salvateur, il… lévite et parvient à passer au-dessus. Comme un avion sans ailes – peut-être que ça lui évitera les coutures comme disait Charlélie… Mais enjamber l'obstacle n'est pas toujours suffisant, encore faut-il gérer l'atterrissage. Et là commence une folle farandole improvisée. Tel un cabri sur des falaises abruptes, il se déhanche en essayant de garder la maitrise de son vélo qui se tord dans tous les sens. Fulgsang redressant son vélo après la dérobade de sa roue arrière dans la descente finale du Liège-Bastogne-Liège 2019 peut aller se rhabiller, battu à plates-coutures (nous y revoilà) par le Schweitzer de Boissy sans-avoir… l'air d'y toucher. Nos regards se croisent. Il voit que j'ai peur pour lui. Lui n'a pas le temps d'avoir peur, ce sera pour après. Il redresse, zig-zague, tangue, se tord… mais ne rond-point !! Alors que je pense déjà au numéro des pompiers, sa colonne vertébrale se cabre. Dans une dernière figure acrobatique, emporté par son inertie incontrôlée, il se retrouve les deux roues SUR la bordure et s'offre en guise de final un tout-droit de funambule sur un support de quelques centimètres de large, encore humide des pluies nocturnes. Un salto arrière eut sans doute été trop lui demander, on fera sans. Au bout de 2 ou 3 mètres, 4 peut-être, il redescend enfin sur la terre ferme. Fin du numéro.

La peur l'envahit, à retardement. Son regard livide accompagne un pic au cardio. Il réalise qu'il vient de passer à côté d'une énorme gamelle, sans trop savoir comment il a fait pour l'éviter. Le soulagement se mélange aux frissons. Le debriefing entre nous est quasiment tacite (ça m'arrange !). Deux chutes en 6 mois, non, c'eut été vraiment trop. Il nous faudra quelques centaines de mètres pour nous remettre à rouler. Il n'y a pas eu chute, et notre sang glacé n'a pas émis le moindre cri. Nos compagnons de route n'ont rien vu, ils sont déjà au loin, vers Maulette.

trajectoire improbable….


Plus de peur que de mal, mais encore une bonne leçon. Stéphane avait sa bonne étoile. Dès la semaine prochaine, nous pourrons à nouveau rouler avec notre Ado(u)bé Acrobat. C'est mieux qu'une visite à l'hosto, surtout par les temps qui courent… faut éviter d'encombrer.




••• Vincent Goffin