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PARIS – BREST – PARIS 2019
Valérie F007 & Stéphane F008 - 18 août 2019

20 ans plus tard

Dimanche 18 Août 2019, il est 17h15. 5, 4, 3, 2, 1, partez. Le décompte terminé, un dernier au revoir à la famille venue nous soutenir et nous voilà partis le sourire aux lèvres et l’âme joyeuse.
Je rétropédale dans ma tête et je nous retrouve en 1999. Il est 22h et nous partons de St Quentin. Déjà en tandem et sans assistance. Nous avions terminé en 88h.
L’épreuve nous avait envoûtés et nous nous étions promis de participer à nouveau. Tous les 4 ans nous nous rendions sur le bord de la route pour le départ, ou à Dreux, le dernier point de contrôle. Nous étions envieux et nostalgiques, mais la préparation d’un PBP demande du temps et nous ne trouvions pas l’ouverture permettant de s’y préparer sérieusement. En 2015 pourtant, le bout du tunnel apparait. On s’était dit : dans 4 ans on repasse de l’autre côté de la barrière. Il aura donc fallu attendre 20 ans pour pouvoir se relancer dans cette aventure.
Le programme en tout début d’année 2019 était basique : 200 km par semaine pour arriver avec environ 6500 km au départ de PBP. Participer aux brevets en doublant les 200 et 300. Effectuer une partie de nos vacances en vélo pour ne pas trop ‘’couper‘’. Faire un maximum de tandem. Le tout en tentant de conserver une vie familiale, sociale et professionnelle.
L’ensemble de cette préparation se passera sans encombre ou presque. Un changement de selle nécessaire pour Valérie qui aura eu peu l’occasion de la tester mais qui s’avérera être « la bonne pioche », et un passage aux urgences à J-5 pour moi pour une infection urinaire qui me mettra sur le flanc. Un traitement aux antibiotiques me remettra sur pied 48 heures avant le départ !
Sous le soleil réapparu en milieu d’après-midi, effaçant 2 jours de pluie discontinue les 48 heures précédant le départ, nous avalons les premiers kilomètres sur une route sèche. Le groupe des vélos spécifiques aux allures bien différentes les uns des autres s’étirent rapidement, et nous nous retrouvons vite à rouler en prenant le vent. Les vélomobiles nous doublent à une allure vertigineuse, je regarde avec admiration les vélos d’exception participant au concours des machines ainsi que les vélos les plus atypiques : tricycles, vélos couchés, triplette ... De nombreux tandems sont également présents. Le parcours roulant et l’excitation du départ nous font aller à bonne allure. Deux copains nous suivent en vélo sur ces premiers kilomètres et nous saluons amis et connaissances venus nous saluer sur le bord de la route. Beaucoup de monde applaudit et encourage les participants. Un arrêt minute à Condé-sur-Vesgre où l’UVO et d’autres amis se sont regroupés pour nous souhaiter bonne route.
Après Nogent-le-Roi, nous prenons très progressivement une allure plus sage tout en profitant des portions roulantes de ce début de parcours.
A peine sommes-nous pénalisés par le vent de face qui tombera complètement en fin de journée. Nous échangeons entre nous et parfois avec quelques participants. Déjà nous quittons l’Eure pour entrer dans l’Orne. Mortagne-au-Perche est atteint avant la nuit et les premières bosses facilement avalées.



Pas de contrôle sur cette commune à l’aller, mais nous prenons le temps de manger nos sandwichs qui feront office de premier repas. Le plein d’eau et nous nous équipons pour la nuit car déjà la température tombe. Manches longues, gilets, jambières, et autres accessoires seront bien utiles car les nuits sur PBP vont s’avérer fraîches, voire très froides.
La première nuit est agréable, la lune nous éclaire, le vent est nul. Le fléchage marqué « Brest » aux flèches réfléchissantes nous donne la route à suivre. L’éclairage avant est plus que satisfaisant et nous permet de rouler sans avoir à ralentir du fait d’une vision réduite. Le bitume des routes est bien lisse. Cela sera vrai sur la majeure partie du parcours fort heureusement, nous évitant le stress de prendre un nid de poule avec la fatigue ou pendant les nuits.
Mis à part les changements de vitesse, le tandem roule sans bruit à travers la nuit et je me satisfais d’avoir su éliminer un bruit parasite apparu 10 jours avant le départ. Rien de plus pénible que d’entendre un claquement répétitif 3 jours et 4 nuits durant. Seul le passage sur le grand plateau s’avère être un peu dur. J’en ferai les frais un peu plus tard…




Les premières 24 h

En cette première nuit, déjà sur les bas-côtés des cyclos sont endormis au milieu de la campagne ou sur les places des villages.
A Villaines-la-Juhel nous nous attendions à un repas composé de féculent qui nous remplirait le ventre, mais il nous est proposé un petit déjeuner, viennoiseries et chocolat au lait. 3h50 du matin, nous sommes effectivement plus proche des croissants que du plat de riz. Nous constatons que nous sommes déjà déphasés par rapport aux horaires…
Nous profitons des points de contrôle pour systématiquement anticiper les douleurs et blessures et appliquons de la crème sur nos fessiers. Petite frayeur avec un début de douleur au genou droit, je baisse ma selle d’1/2 cm. Application de crème à effet froid et la douleur passera progressivement pour finalement ne plus me gêner. Ouf !
Régulièrement nous nous passons la clé USB reliée à la batterie tampon elle-même alimentée par le moyeu dynamo pour recharger nos compteurs, smart-phones et lampes AR. Tout ce matériel testé durant les sorties et brevets ne nous causera aucun souci particulier.
Nous traversons la Mayenne puis entrons rapidement en Bretagne à l’approche de la jolie ville de Fougères que nous atteignons au lever du jour. Les bosses se font plus présentes. Nous rangeons nos affaires de nuit, la journée va être ensoleillée. La petite étape de 54 km nous amenant à Tinténiac nous fait rentrer dans le vif du sujet. Les bouts de plat disparaissent pour laisser place à une succession de montées et de descentes à n’en plus finir. La suite nous fera vite comprendre que nous ne sommes qu’au début des véritables difficultés qui vont se présenter à nous. Nos fesses sont soumises à rude effort dans ces ascensions, et commencent à poindre les premières gênes qui nous font dandiner sur la selle.
Il faut d’ors et déjà trouver le compromis entre soulager les appuis et nous économiser physiquement. Nous alternerons position de danseuse et assise sans discontinuer.
Une étape de bosses encore plus marquée nous permet d’atteindre Tinténiac en milieu de journée. Les gens nous saluent tout au long de ces portions bretonnes. Encouragements, panneaux, mais aussi les décorations dans les villages et les points d’eau improvisés devant les maisons font vraiment du bien.
A Tinténiac, km 358, on pratique nos soins habituels et on se restaure. Valérie réclame sa première pause sommeil. Nous prenons un dortoir en demandant un "réveil dans 20 min" ! Les bénévoles sont sceptiques devant l’annonce de cette micro-sieste et nous font 50% de rabais sur le tarif. Nous ne dormirons pas assez profondément, un peu perturbés par l’annonce de l’abandon de Vincent à Fougères.
Du vent de face qui s’ajoute aux montagnes russes de Bretagne vont nous faire puiser dans nos ressources jusqu’à Loudéac, sorte de plaque tournante du PBP où beaucoup font une première pause ou un arrêt plus marqué. Nous sommes au tiers du parcours.
Là nous croiserons JL qui est revenu rapidement sur nous. Nous discutons avec lui sans trop nous attarder. Chacun ayant l’air de bien se porter. Il rejoint le camping à proximité pour se reposer et refaire le plein.
Nous-mêmes choisissons ce check-point pour prendre une première douche et changer de cuissard. Une sieste en dortoir d’ 1h30 suivra, perturbée par la sono et le concert proposé aux spectateurs du PBP, que la fine tôle du gymnase ne couvrira guère.
Le réveil est quelque peu douloureux. A nouveau équipés contre le froid pour cette seconde nuit, nous enfourchons notre destrier commun en direction de Carhaix que nous atteindrons à minuit. Le ciel est complètement dégagé, la nuit autrement plus froide que la précédente. Les bosses se succèdent sans fin. De vrais raidards nous obligent à passer régulièrement le petit plateau, voire à mettre tout à gauche afin de nous économiser et hisser le tandem, alourdi par notre équipement, en haut de chaque montée.

Une crêpe et ça repart

Mes fesses me font énormément souffrir, mon épaule gauche et mon biceps également. Je ne m’en rendrai compte que plus tard, mais le changement régulier des plateaux m’a créé une tendinite et mon bras gauche me fait beaucoup souffrir et m’empêche de tenir convenablement la direction de notre engin.
La fatigue et le froid m’envahissent dans l’ascension du Roc’h Trevezel, point culminant du PBP, au cœur des monts d’Arrée. Perdus au milieu de nulle part, sans âme qui vive et dans le noir total, le mental me lâche brutalement. Je n’avance plus. Je marque un premier arrêt ne sachant plus trop quoi faire. Valérie tente de me remonter le moral, me parle sans cesse pour tenter de relancer la machine, mais rien n’y fait. Je pense très fort à mon lit, à une couette chaude ou tout simplement à fermer les yeux pour m’échapper de ce moment terrible. Je tremble comme une feuille. N’ayant pas prévu des nuits aussi froides, il me manque une couche intermédiaire.
Nous repartons pour marquer un nouvel arrêt très peu de temps après. Valérie, malgré sa fatigue et les douleurs qu’elle a également, me rebooste continuellement, évoquant le fait que c’est normal d’avoir des moments de moins bien, que "ça ira mieux plus loin", "qu’il faut positiver" et "qu’on le regrettera si on abandonne maintenant". Je sais qu’elle a raison. Je décide de repartir sachant que rester à cet endroit ne nous amènera à rien. En tremblant de tout mon corps, nous passons le fameux pic et entamons la descente. Je tiens à peine le vélo qui guidonne sous l’effet de mes tremblements et de mon bras endolori. Valérie ne cesse de me parler durant les 10 km de descente. Nous parvenons à Sizun ou nous nous arrêtons d’abord sur le stand d’un particulier qui propose des boissons chaudes et du gâteau. Je réchaufferai mes mains sur le gobelet de café et je crois bien engloutir 5 ou 6 parts de 4/4 dans lesquelles je glisserai des morceaux de chocolat au lait. Cinq cent mètres plus loin, une crêperie ouverte exceptionnellement pour les cyclos fera l’objet d’un autre arrêt, plus prolongé. Je réclame une crêpe beurre salé. Je l’engloutis et m’assoupis sur le rebord de la table un moment, sans réellement parvenir à me réchauffer. Au fond de ma tête, j’entends Valérie qui papote avec les restaurateurs. 4h00 du matin, nous repartons dans le noir et le froid, mais avec ce moment difficile qui fait déjà presque partie du passé. Savoir repartir, ne pas trop réfléchir et avancer. Brest est à notre portée. Nous devrions l’atteindre au lever du jour.



Nous traversons l’Elorn qui sera l’occasion d’un arrêt photo pour admirer le soleil qui se lève. La mi-route est atteinte vers 8h du matin et après 39h de vélo. Les villes des points de contrôle semblent toutes perchées et les dernières côtes pour atteindre ceux-ci, ainsi que certaines traversées de communes, sont pénibles. Brest ne fera pas figure d’exception.



Le difficile et long retour à la maison

Nous ne nous attardons pas et après quelques soins et s’être remplis le ventre, nous repartons en sens inverse. Le parcours retour n’est pas en tout point identique à l’aller et nous fait découvrir de nouvelles portions. Un cyclo nous indique qu’on va avoir droit à une bonne partie de manivelle jusqu’à Carhaix. Effectivement les montées et descentes se succèdent. Nous roulons parfois à 8 ou 9 km/h sur certaines ascensions. Nous soulageons les douleurs maintenant bien présentes comme nous le pouvons : descente de 2 pignons, mise en danseuse, on se rassoit douloureusement, on remet tout à gauche. Pas besoin de discuter avec Valérie. Chacun sait ce qu’il a à faire sur le vélo et une ébauche de mouvement de l’un fait comprendre quoi faire à l’autre. Les kilomètres passés ensemble, les brevets nous ont faits naître des automatismes et un ressenti comme si nous n’étions qu’un sur ce long vélo. J’en éprouve beaucoup de satisfaction. L’entente est parfaite.
Nous commençons cependant à maudire la personne qui a élaboré ce parcours. Nous avons l’impression que toutes les bosses du coin y passent, tel un parcours noir à la Daniel le dimanche matin, mais en version prolongée. Tout au long des étapes, des cyclos sont allongés à l’entrée d’un champ, sur un coin d’herbe, ou sur un banc lorsqu’il ne leur a pas été possible d’atteindre la commune suivante. La nuit, les sas de banque sont pris d’assaut. Ma lampe me fait apparaitre au dernier moment le gilet réfléchissant des cyclos qui s’affalent dans l’herbe humide au cœur des nuits froides. Les habitants eux-mêmes proposent parfois des couchages chez eux. Quatre pieds qui dépassent de l’arrière d’une camionnette mise à disposition, portes grandes ouvertes, nous font penser à deux macchabés. Toutes ces situations burlesques nous font rire et animent notre progression. On n'est pas si mal comparés à d’autres !
Nous repassons le Roc’h Trevezel de jour, nous permettant d’apprécier le paysage et pour ma part, dans un meilleur état d’esprit qu’à l’aller. Nous profitons de quelques bonnes descentes. Les kilomètres qui s’affichent sur le compteur défilent alors plus vite et cela nous satisfait. Je me mets parfois à décomposer les étapes par tranche de 10 km dans ma tête, pour que cela me semble moins long.
De retour à Carhaix, après avoir tamponné notre carnet de route, nous accédons à la cantine en zigzaguant autour des cyclos allongés à terre à l’intérieur du bâtiment. Parfois sous une couverture de survie ou emmitouflés dans leurs habits. La fatigue se lit sur tous les visages. Les bénévoles nous guident avec une grande gentillesse. L’état de certains semble néanmoins effrayer les plus jeunes d’entre eux. Nous mangeons et nous nous affalons sur la table comme beaucoup d’autres durant au moins vingt minutes. Tout autour des tables les cyclos s’endorment à terre. Nos vêtements sont bien marqués par l’effort physique et on enverrait bien valdinguer le cuissard. Le maillot chaud pour la nuit, dont on ne sent que trop bien l’odeur à chaque fois que nous le mettons ou l’enlevons, nous dégoute un peu. Rambouillet nous semble encore si loin. Il reste 2 nuits et 1 journée à passer !



Km 718, Valérie réclame une sieste. Elle s’allonge sur un banc et je tiens le chrono : 20 min max. Plusieurs passants me demanderont si tout va bien pour elle et s’il faut faire quelque chose. « Tenez, un financier pour votre dame » me dit l’une d’elle. Je n’ai pas une glace pour me regarder mais on doit commencer à avoir des gueules de déterrés !



Nous sommes agréablement surpris pas l’engagement des habitants et notamment des bretons lors de cet évènement. Beaucoup montent leur propre stand proposant de l’eau, du café, des gâteaux et même de quoi dormir juste devant chez eux. Attirés par l’odeur des crêpes, des gâteaux et afin de reprendre des forces, nous stopperons plusieurs fois sur le parcours pour discuter avec certains d’entre eux et nous rassasier. Certaines décorations dans les villages et les encouragements réguliers nous évoquent d’ailleurs l’Ardéchoise.
Nous qualifierons l’étape jusqu’à Loudéac, que nous atteignons avant la tombée de la nuit, de ‘costaude’. Il n’y a pas 50 m de plat. Certaines bosses semblent interminables. Au détour des virages de chaque montée, nous découvrons une nouvelle ascension. Nous courbons l’échine et avançons en bronchant quelque peu. Quelques injures fusent parfois contre ce parcours inhumain. Valérie a très mal aux poignets. Nos cervicales sont mises à rude épreuve. Je prends un Doliprane par jour pour atténuer ma douleur à l’épaule et au bras. Nous appliquons la crème relaxante à chaque fin d’étape : genoux, nuque, poignets, cuisses, partout ou ça fait mal. Nos corps commencent à nous faire savoir que cela n’est pas normal de rouler aussi longtemps. Le mental au beau fixe (ou presque) prend à chaque fois le dessus.



Beaucoup de vélos ont déjà une trajectoire plutôt aléatoire. Nous prenons nos précautions et doublons en laissant de l’espace entre les vélos. Une voiture de pompier nous dépasse et s’arrête 500 m plus loin. Deux cyclos sont tombés dans la descente suivante. L’un deux repartira dans le camion sans que ce soit grave pour lui à première vue.
Mardi 21h00. Nouvelle pause au dortoir de Loudéac au km 800, pour 1h30, après une seconde et dernière douche et un nouveau changement de cuissard.
La personne qui me réveillera me fait sortir d’un sommeil profond. Pendant quelques secondes je ne sais plus ou je suis ni ce que je fais là. Une fois les neurones remis en place, nous reproduisons tel des robots les mêmes gestes pour nous préparer à partir en pleine nuit. Le cerveau est coupé. Il faut avancer.
3ème nuit au ciel superbement étoilé mais à nouveau très froide. Encore faut-il savoir soulever la tête pour regarder la grande ourse. Je tente le coup sans vraiment y parvenir, nos nuques sont trop douloureuses. Le dénivelé positif est toujours bien présent. La noirceur de la nuit nous évite d’apercevoir la fin des côtes et c’est tant mieux. La fraicheur me tient éveillé. Nous doublons et redoublons les mêmes cyclos pour la plupart, les mêmes tandems ou vélos spéciaux également. Nous échangeons parfois un brin de discussion, une parole, parfois un regard. Nous demandons si tout va bien à ceux dont la trajectoire inquiète. Je pense que nous sommes plus rapides sur le roulant mais que nous passons plus de temps que d’autres lors des arrêts aux points de contrôle. Nous tentons néanmoins de limiter les arrêts entre deux contrôles. L’usure et la fatigue rendent l’exercice difficile.
Nous stoppons pour nous restaurer agréablement à Quedillac, peu avant Tinténiac. Soupe, bourguignon, crêpes au Nutella, puis repartons sans trop tarder.
Relancer la machine après chaque arrêt est de plus en plus ardu, repartir à froid, les genoux douloureux, le dos frissonnant sous l’effet du maillot trempé de sueur froide. Heureusement au bout de 10 minutes le corps se remet en place et une fois à température, nous nous plaisons à nous voir repartir de plus belle enchainant à chaque fois les côtes plus rapidement que la plupart des cyclos solos et les distançant dans les descentes du fait de notre masse roulante. La gestion du sommeil que nous impose Valérie commence à payer et malgré l’extrême fatigue, nous nous rendons compte que l’on est en bien meilleur état que la plupart des cyclos qui nous entourent.

1000ème km, ça sent l’écurie !

Une nouvelle fois, Valérie effectue un sommeil de 20 min à Tinténiac. Je n’en ressens pas le besoin. Comme à chaque arrêt, je consulte sur les réseaux sociaux les messages d’encouragements de chacun. Je donne quelques nouvelles. Cela nous redonne du baume au cœur. Fougères puis Villaines-la-Juhel sont franchies sous un soleil de plomb et une foule en délire, on se croirait au Tour de France. Nous piochons sur nos réserves de nourriture. Je me rendrai compte plus tard que je n’aurai pas assez mangé lors de ce dernier arrêt. Plus loin, nous stoppons sur des bancs à l’écart de la route près d’une église, pour 20 min de sommeil.



C’est Valérie qui me réveillera alors que je m’étais endormi en plein soleil. Je remonte sur le tandem tel un zombie. J’ai trop chaud et la désagréable sensation de ne plus avoir de force. De plus, le câble de dérailleur avant, certainement détendu après de nombreux passages, nous empêche de passer la plaque. Nous stoppons et je peste un peu sous le coup de la fatigue à retrouver le bon réglage.
Nous scrutons nos Garmin respectifs au passage du 1000ème kilomètre car ce n’est pas tous les jours que cela arrivera. Les 4 chiffres s’affichent enfin ! Il en reste encore à avaler mais on tient le bon bout. Un gros brevet de 200 et c’est fini !
Des douleurs apparaissent aux pieds de Valérie, obligée d’enlever et de desserrer ses chaussures dès que cela est possible. A moindre niveau, mes pieds commencent également à me faire souffrir. Nos doigts et orteils sont pris de fourmillements. Le corps humain a cela d’étonnant qu’il passe par des cycles de bien-être et de moins bien avec les heures accumulées d’effort.
Rapidement nous retrouvons un terrain plus propice à notre tandem. Quelques belles routes assez droites avec des bosses que nous parvenons à franchir sans trop d’efforts. Un cyclo anglais vient à notre hauteur et nous demande s’il peut se placer dans notre aspiration : « It’s just fantastic to stay behind you » nous affirme-t-il. Plusieurs cyclistes que nous rattrapons s’accrocheront tour à tour. Nous emmènerons ainsi parfois des grappes de 6 à 8 cyclos collés à nos basques et fort heureux de pouvoir faire un bout de chemin à l’abri du vent et à bonne allure.
Nous commençons progressivement à entrevoir la fin de la boucle et la réussite probable de notre défi.
Le haut de Mortagne est atteint en petit groupe le mercredi, vers 20h30. Certains nous remercient pour les avoir emmenés jusque-là dans un moindre effort pour eux. Les kilomètres ont défilé plus vite pour certains, biens calés dans notre roue arrière.
Nous savons les difficultés derrière nous désormais. Nous intériorisons notre joie néanmoins, la ligne d’arrivée n’est pas encore franchie.



Toujours dans sa gestion du sommeil, Valérie réclame à nouveau 1h30 de sommeil. Je tique car l’envie d’enchainer et de repartir pour en finir me tente plus que de me coucher à 117 km de la ligne d’arrivée. Il faudra finalement reconnaitre qu’anticiper le sommeil portera ses fruits durant toute l’épreuve, nous permettant de finir les deux dernières étapes de ce PBP de bonne manière. Debout ! Il est 23h et nous attaquons notre 4ème et dernière nuit sur le tandem. J’avertis Vincent par texto de notre départ pour Dreux avant d’enfourcher le vélo. Nous passons les dernières bosses sérieuses dans le Perche. Puis, après Longny-au-Perche, nous retrouvons des routes plus planes. Nos jambes fourbues appuient sur les pédales. Le tandem file à travers la nuit. Les douleurs sont omniprésentes mais la motivation de voir les kilomètres restants qui s’égrainent nous fait oublier toute douleur …ou presque. Ah ces satanées fesses !
Aux abords de Dreux nous retrouvons les routes dégradées de la région que nous connaissons, signe que nous approchons de nos routes habituelles.
2h30. Nous parvenons au gymnase de Dreux, posons le vélo et retrouvons, avec échange de grands sourires, Vincent qui vient d’arriver. Après le pointage, nous prenons le temps de nous restaurer avec des cookies de la maison Goffin tout en discutant avec lui.



Nous redémarrons une dernière fois pour la quarantaine de km restants. Les dernières petites bosses sont pénibles et semblent vouloir ralentir notre progression jusqu’à l’arche d’arrivée. Vincent nous précède quelques temps en voiture puis nous laisse terminer la dernière vingtaine de km en forêt de Rambouillet. Nous profitons de ces derniers instants. A bonne allure cependant car nous avons hâte d’enfin pouvoir nous reposer. Nous longeons maintenant le parc et après une petite incursion dans la ville, nous entrons dans celui-ci. Dernière montée jusqu’à la bergerie dans la pénombre, quelques pavés, un bout de chemin en terre puis nous franchissons la ligne à 5h07 du matin et après 83h52min d’efforts.
Arrivée Rambouillet ligne d'arrivée Nous retrouvons notre sourire du départ, satisfaits et heureux comme jamais. A nouveau Vincent est là tout heureux comme nous de profiter de ce moment de joie. Que ça fait plaisir de retrouver notre ami et ange gardien et de partager ce moment de bonheur. Rapidement la pression retombe de tous ces kilomètres parcourus, de ces moments de bonheur et de souffrances entremêlés, de ces mois d’entrainements.
Nous remettons nos carnets de routes respectifs entièrement tamponnés en échange de la médaille de "finisher".



Nous posons le tandem dans le parc au milieu de centaines d’autres vélos. Un dernier plateau repas en compagnie de Vincent avec qui nous relatons notre périple ainsi que celui de Patrick, Jean-Louis et le sien. Les émotions s’entremêlent. Nous sommes tout simplement heureux du résultat après tout ce travail accompli et l’aboutissement de ce projet au long cours.
La fatigue aidant, nous quittons rapidement la bergerie et retrouvons notre véhicule garé dans le parc. Le tandem est embarqué dans le coffre. Nous y entassons nos affaires en vrac en rêvant d’une bonne douche et d’un vrai lit à l’abri et au calme. Incapable de faire le trajet entier en voiture, je passerai le volant à Valérie à mi-route. Vincent nous suivra jusqu'à proximité de chez nous. Le jour se lève et nous nous couchons avec des souvenirs et des images plein la tête. Peut-être déjà nostalgique de voir l’aventure se terminer.
Alors Valérie, on remet ça dans 4 ans ?



••• S.B./V.L.